Seule femme à se hisser aussi haut dans le milieu de la course de côte hexagonale et internationale, comme en témoigne ses onze podiums dans une manche du championnat d’Europe, Anne Baverey a quitté la compétition il y a plus de vingt-cinq ans. Toujours aussi franche et sympathique, elle a bien voulu retracer sa carrière et égrener quelques souvenirs. Et très vite, on a senti que la passion était toujours là !
Propos recueillis par Philippe Carles – photo JL Taillade/Archives Echappement
Echappement Classic : Anne, nous vous retrouvons, pour cet interview, à Fontainebleau. De quelle région êtes-vous ?
Anne Baverey : Je suis née à Lyon, où j’ai passé mes premières années. Ensuite, j’ai suivi mes parents à Paris. Puis, après mon mariage, de nouveau à Lyon. Actuellement, je me partage entre Fontainebleau, où vit ma mère âgée de 90 ans, et ma maison de Mouriès, dans les Alpilles.
Etiez-vous intéressée, dans votre jeunesse, par le sport automobile ?
A 6 ans, j’adorais être sur les genoux de mon grandpère, lorsqu’il conduisait sa C15 Citroën. J’étais heureuse, j’avais l’impression de conduire. On peut peut-être dire que j’avais la conduite dans le sang, mais dans ma famille, il n’y avait à proprement parler pas de culture automobile, même si une fois mon père avait disputé le Rallye Lyon-Charbonnières. Avant mon mariage, je n’avais jamais vu de courses…
Etiez-vous une fille sportive ?
Dans ma jeunesse, on m’a enseigné les sports qu’une jeune fille bien élevée doit connaître, le tennis, le ski, ainsi qu’à bien me tenir en société. A Lyon, la pratique du ski était aisée et j’adorais cela.
C’est par votre mariage que l’automobile va entrer dans votre vie.
Je me suis mariée très jeune avec Monsieur Christian Baverey. Il était issu d’une famille très riche, il roulait, lorsque nous nous sommes fiancés, en Triumph TR 3. Il aimait beaucoup les voitures, mais n’était pas un fan du pilotage. Parmi nos amis, nous avions un certain Bob Neyret, que nous rencontrions aux sports d’hiver, à Megève. Au cours d’une soirée, j’ai confié à Bob que j’aimerais bien courir. J’avais 21 ans, et il m’a proposé d’effectuer un test sur la neige avec ma petite Autobianchi A 112. J’avais une trouille épouvantable, mais j’écoutais ses notes et j’ai foncé aveuglement. Le lendemain, il m’a expliqué que j’étais complètement folle : ” Je t’ai dit bosse à fond au sommet d’un col, tu l’as fait alors que tu ne savais même pas ce qu’il y avait derrière… “. Nous avons eu un premier accord pour courir sur l’une de ses voitures de l’écurie Aseptogyl, mais mon mari était contre. “ Je veux garder ma femme en vie, je t’interdis la course moderne, mais OK pour du VEC “, a-t-il dit. (Ndlr cv : les courses VEC – Véhicules d’Epoque de Compétition – ont précédé, dans les années 70, ce que l’on appelle aujourd’hui le VHC.)
Grâce au VEC, vous vous forgez une petite expérience.
Nous avons couru en VEC de 1974 à 1978 inclus. J’ai vite obtenu une petite notoriété, je m’étais composée un joli press-book. Malheureusement, j’ai raté, en 1977, le titre de champion de France en VEC, par la faute de mon mari : alors qu’il y avait une dernière course du championnat importante pour le titre, il a préféré m’amener le même week-end, car il était Président d’un Club Ferrari, sur le circuit du Mas du Clos pour une épreuve amicale. Je lui en ai beaucoup voulu. Heureusement, il y a eu, à un certain moment, un joli coup de pouce de Fangio.
Dans quelles circonstances ?
J’avais déjà rencontré Juan Manuel Fangio aux Remparts d’Angoulême. Il m’a ensuite vue courir à Deauville sur une Bugatti 35 C, où je me suis battue comme une lionne. Après la course, il a fait part à des amis du désir de me rencontrer, et m’a dit, en présence de mon mari : ” Madame, vous devriez faire de la F1. “ Mon mari a alors cédé, et m’a autorisée à passer aux épreuves modernes. Nous avons choisi la course de côte car c’est ce qu’il y avait de moins cher. J’étais vraiment faite pour ces courses de sprint, de courte durée, l’équivalent du 100 mètres en athlétisme. C’était parfait, et de plus les sensations étaient extraordinaires.
Auparavant, vous aviez suivi en 1975 les sessions du Volant Elf, au circuit Paul Ricard.
Je me suis tout de suite sentie à l’aise dans une monoplace moderne. Il y avait près de 80 prétendants, et je me suis qualifiée à la plus mauvaise place, la sixième, alors que seuls les cinq meilleurs avaient le droit de disputer le Volant. Celui-ci a été remporté par un certain Alain Prost, qui est depuis devenu un ami.
Comment se sont passés vos débuts en côte ?
Je ne connaissais pas un seul tracé, ni personne. J’ai débarqué avec ma March d’occasion à moteur 2 litres… et j’ai terminé au milieu des monoplaces à moteur 1 600 cm3. Leurs pilotes ont été gentils, ils sont venus me féliciter ! Puis la progression s’est faite assez vite. J’ai décroché rapidement des sponsors, dont le premier important fut Primagaz, par l’intermédiaire du regretté Jacques Petitjean. Mon mari, qui avait financé mes débuts en côte, s’est peu à peu retiré, et je me suis débrouillée toute seule. [...]
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