Grâce à la proposition de Serge Cazaux, le propriétaire de l’auto (team RallySportClassic), j’ai essayé la Ford Sierra Groupe A pilotée par Didier Auriol en 1988. Cette année-là, tel un pianiste exécutant parfaitement sa partition, celui-ci s’est exprimé en virtuose du volant pour aller décrocher sa première victoire mondiale au Tour de Corse, ainsi qu’un nouveau titre de champion de France des rallyes.
Texte Lionel Robert – Photos Philippe Maitre
Au commencement était la volonté de Ford de confier le développement d’un modèle sportif de la Sierra à un préparateur expérimenté et reconnu. C’est Cosworth qui est retenu par le constructeur américain pour effectuer le job. Comme chaque fois, un modèle sportif réussi est aussitôt employé en compétition. On parle souvent de banc d’essai mais c’est aussi pour le constructeur un excellent moyen de communiquer sur le segment des voitures sportives et, à terme, la possibilité de vendre quelques voitures supplémentaires lorsque celle-ci devient la proie des teams privés. Déjà champion de France avec sa Metro 6R4 du team RED Racing en 1986, Didier Auriol, l’étoile montante, troque sa Groupe B, désormais interdite de compétition, pour une Sierra Cosworth confiée par Ford France à l’amorce de la saison 1987. Cette Groupe A aux couleurs 33 Export, sponsorisée par l’Union des Brasseries et toujours impeccablement préparée par RED Racing, va signer rapidement quelques coups d’éclats et décrocher un premier titre national. En 1988, sous les couleurs Panach’ (même sponsor mais marque différente), Didier Auriol va véritablement s’affirmer comme le patron du rallye français, remportant une nouvelle fois le Championnat de France au terme d’une lutte l’opposant jusqu’au bout à François Chatriot et Bernard Béguin, tous deux sur BMW M3. Plus qu’une cerise sur le gâteau, sa première victoire en mondial au Tour de Corse 1988, dessinera les prémices de son accession à la couronne suprême six ans plus tard. En 1989, cette voiture, toujours propriété de Ford France, fut confiée à César Baroni, autre rallyman de talent. Sans égaler le palmarès d’Auriol, celui-ci fut vainqueur du Rallye d’Alsace en 1989 puis Ford vendit la voiture à un propriétaire privé moins connu sportivement.
En 2011, Henri Depons retrouva la trace de cette voiture chez Bieslan, un négociant allemand de voitures de course. Etat magnifique, historique limpide, il n’en fallut pas davantage pour convaincre le Bordelais d’acheter cette auto pour le compte de Serge Cazaux (lire encadré RallySportClassic). La voiture essayée est très proche de la configuration pilotée par Auriol cette saison-là. La déco est identique, bien sûr, mais les spécifications techniques aussi, hormis les jantes de 17’’ (au lieu de 16’’ en 1988, mais notez que dès 1989 Baroni roule avec cette auto équipée en pneus de 17’’). Un autre petit point d’histoire est à aborder pour lever de suite toute ambiguïté : les châssis utilisés et les plaques minéralogiques. En fonction des nécessités de la course et parfois des sorties de route comme au Critérium des Cévennes, il peut y avoir plusieurs immatriculations utilisées sur une même saison. Il n’y a donc pas une seule et unique Sierra « Auriol 88 » mais deux, voire trois immatriculations différentes. La voiture gagnante du Tour de Corse 1988 est la propriété d’Auriol lui-même, et la « 6985 PM 92 » (avec carte grise d’origine) que j’ai pilotée est une authentique Rallye du Var 1988, donc championne de France cette année-là.
Au volant
Sur le circuit de Bordeaux Mérignac, je retrouve mes amis de RallySportClassic mais je dois leur confesser que je n’ai que peu dormi, la faute au permis de conduire de ma fille que l’on a un peu trop fêté la veille ! Il va falloir que cette Sierra Cosworth soit douce et accueillante pour que l’essai soit réussi. En m’installant à bord, ça se présente plutôt bien, avec un siège réglable pour optimiser la position de conduite et de l’espace pour se mouvoir et piloter aisément. Le tableau de bord est complet avec, ce qui est plutôt rare pour une voiture de course préparée par un team anglais, des indications en français lisibles. Sous mes yeux, dans l’axe de la route, le compte-tours Stack flanqué du mano de pression d’huile à gauche et de ma « tempé » d’eau à droite. Le voltmètre et les voyants de clignotants et de pression d’huile complètent ce dispositif. Sur des parties secondaires du tableau de bord montées, le détail a son importance, avec des quarts de tour rapides, je trouve le manomètre de pression de turbo, le coupe-circuit, le répartiteur de frein. Un peu plus bas encore se situent le niveau et la pression d’essence ainsi que les interrupteurs de pompe à essence, de refroidissement du pont et de marche forcée du ventilateur. Enfin, à l’extrême droite ont été ajoutés une température d’échappement et un contrôle de richesse qui ne sont tous deux pas d’origine. [...]
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